mercredi 23 décembre 2009

Noël, ou le juke-box cassé

Tout d'abord, je tiens à dire que je n'ai rien contre Noël. Le symbole religieux (la crèche et toute la smala dans l'étable), l'alibi commercial (le design cocacolique de "Santa Claus"), le développement de la psyché des enfants (Bruno Bettelheim), la substitution à de très anciens rites autour du solstice d'hiver etc. : toutes ces interprétations me vont, je ne critique pas, car je considère Noël comme une facette de la foisonnante culture humaine.
Là où ça ne va plus, c'est justement que cette facette, le temps de quelques semaines, devient un crédo monolithique, un truc ultra formaté vidé complètement des interprétations sus-citées.
Le monde entier (paraît-il) se retrouve dans Noël et ses "valeurs". Oui, le monde se retrouve... mais parqué dans l'équivalent culturel d'un placard à balais.
Il suffit de faire un tour dans les magasins de Montréal (et ça dure depuis bientôt un mois !) et qu'est-ce qu'on entend ? LES MAUDITES MÊMES CHANSONS, interprétées, ré-interprétées, ré-réadaptées à toutes les sauces, mode country, rock, R&B, a capella, reprise de x, de y etc.
"What Child is This" sur l'air de Greensleeves (belle mélodie mais... je n'en peux plus !), "Let it snow ! Let it snow ! Let..." (pitié !), "Jingle bells" et son cousin "Jingle bell rock", "We wish you a merry Christmas", "Silent night" et trois ou quatre autres chansons, guère plus, s'approprient l'espace sonore comme des dictatures musicales ou, pire, comme ces techniques modernes de tortures par la répétition.
Le pire, la crème de la crème, l'aberration, l'horreur intégrale : "Happy Xmas (War is Over)" de John Lennon. Dire que cette chanson était, comme son titre l'indique, un hymne pacifiste en rapport avec la guerre au Vietnam et sa fin (imminente, concrétisée ou souhaitée, je ne sais plus)... C'est maintenant devenu un hymne de supermarché, un cantique de magasins de fringues, une rengaine qui nous martèle l'oreille pendant qu'on fait nos achats de Noël dans la frénésie consumériste et le stress qui va avec. Pauvre Lennon ! Une chanson de paix utilisée pour faire vendre des gadgets fabriqués dans des sweat shops... M'enfin, l'homme était lui-même un sacré produit marketing, alors l'hypocrisie de la chose ne l'aurait peut-être pas effleuré...
Il y a certainement des centaines de chants de Noël, alors pourquoi fait-on tourner en boucles les mêmes ? Serait-ce qu'il faut OBLIGATOIREMENT passer des trucs reconnaissables pour la clientèle, car diffuser un air inconnu serait aussi grossier que de proposer une nouvelle représentation du Père Noël (genre maigre et vêtu de vert, sans barbe et avec de longs cheveux noirs et un sac à dos fluo) ?
Il y a certainement des dizaines de millions de chansons sur Terre. On n'en entendra jamais 1%. Mais avant Noël, faut se farcir les dix mêmes. Pendant un mois.
Faut se plier aux mêmes rituels commerciaux. Faut se taper les "ho ho ho !" à n'en plus finir du bonhomme Coke, les mêmes films médiocres à la TV (avec l'étable et tout), entendre les mêmes lieux communs sur l'esprit des fêtes.
Heureusement que le milliard de Chinois et le milliard d'Indiens et le milliard de Musulmans ne rentrent pas avec nous dans ce placard à balai culturel... Quoique... ils sont peut-être aussi en passe d'adopter les mêmes "standards" que nous, commerce international oblige.

Feliz Navidad !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire